mercredi 2 octobre 2013

J'ai rêvé.



J’ai fait un rêve.
A un moment de la nuit, j’ai fait un rêve abominable que je ne comprenais pas. Je suis dans  l’incapacité d’appeler ce rêve cauchemar. Un rêve. J’essayais en vain d’échapper à « un personnel soignant » qui tentait de m’intercepter parce que j’avais connu un crime  (lapsus, je dis connu à la place de : commis !). Un crime que j’ignorais (lapsus, je dis ignorais à la place de : que je ne voyais pas). Je ne voyais pas de quoi il s’agissait.
Ce rêve s’est répété plusieurs fois de la même façon. Probablement deux ou trois fois. A la dernière reprise, le même rêve était tellement lancinant, tellement éprouvant, qu’il avait lieu dans un demi-sommeil. Il tournait dans ma tête, sans fin, quasiment à l’identique. Les variations de son scénario n’étaient que de vaines tentatives rêvées pour comprendre ce qui me valait d’être dans une telle situation.
Je ne me souviens pas du début du rêve, le début concernait le crime, celui qui me valait d’être poursuivi. Je comprenais que, dans le rêve, je ne le saurais jamais. Que je ne connaitrais pas les motifs de mes poursuivants. Mais à la dernière reprise de ce rêve récurrent, je me suis finalement rendu à mes poursuivants. Je n’ai pas réussi à leur filer entre les mains (lapsus, j’écris réussi à la place de : voulu leur échapper). Je me suis laissé prendre parce que j’en avais assez et je ne voulais pas que ce rêve se reproduise une quatrième fois. Être  pris pour qu’un procès me rappelle et explique ce crime.
Comme j’étais dans un demi-sommeil, je me suis réveillé, sonné, groggy. Dans le rêve, j’éprouvais une honte immense, honte de vivre après ce que j’avais commis mais dont j’ignorais tout. Honte face à Noëlle, face à ma fille, honte à la face du monde. Comme si j’avais violé un bébé et ensuite comme si je l’avais achevé. Ce rêve, je n’ai pas eu l’impression qu’il arrivait pour la première fois dans mes nuits. Au contraire, j’ai eu l’impression de l’avoir déjà subi il y a longtemps au moins une ou deux fois dans ma vie.
Ensuite, après m’être réveillé, j’ai pensé : mais qu’avais-je donc commis de si grave ? Je dis qu’avais-je au passé, parce qu’une fois réveillé, je me suis bien rendu compte que je n’avais commis aucun crime aussi grave, ça se saurait, ça s’aurait su ! Alors j’ai pensé : mon père un jour a du me demander une chose que je ne pouvais pas faire. Un truc pas forcément formulé clairement, dit de façon tacite, qui me rendait impuissant et incapable d’accéder à ses désirs. Mais qu’a-t-il bien pu me demander de prendre sur moi ? Quelle chose impossible m’a-t-il demandé de faire ?
J’ai repensé que lui, avait été obligé de travailler à quatorze ans, parce que son père était mort d’un infarctus, parce que son grand frère était mort sous les bombes anglaises dans la rade de  Toulon. Il a du quitter l’école pour travailler dans un atelier d’ajustage afin de nourrir le reste d’une famille « méditerranéenne élargie », il n’avait pas d’autre frère que son grand frère, mais une mère et tout le reste de la famille, oncles âgés, tantes etc. Mais je me suis dit : s’il m’avait demandé à ce moment d’arrêter l’école pour faire comme lui, je n’aurais pas été heureux parce que j’aimais l’école comme tous les enfants. Mais ce n’aurait pas été une chose impossible pour moi de le faire.
Tout ça, je l’ai pensé, l’esprit embrumé par l’horrible rêve et le sommeil manquant. Ce n’était pas un crime de quitter l’école pour l’usine, j’aurais pu accéder à ses désirs. J’aurais pu faire ce qu’il me demandait, aller travailler comme lui et quitter l’école, la mort dans l’âme certes, mais j’aurais pu le faire, comme lui l’avait fait avant moi. Alors que me demandait-il d’impossible à réaliser ?  De si terrible ? Que m’a-t-il implicitement demandé de faire qui était au dessus de mes forces d’enfant ? Parce que j’aurais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour faire ce qu’il voulait. J’étais bêtement voué à lui, je l’admirais, j’étais fier de lui, il était aviateur comme Saint-Exupéry !
Un peu plus réveillé, après avoir jeté sur un brouillon tout ce qui précède, j’ai immédiatement pensé à ceci : il a tué des gens en les bombardant avec son avion. Au Vietnam. Quand il croyait m’a-t-il dit aux bienfaits de la civilisation française sur les colonies. Quand le seul moyen de se sortir de l’usine pour faire des études, quand on est pauvre, était d’intégrer l’armée. Lui ça a été l’Aéronavale. Il a du me demander d’endosser la seule chose qu’il ait jamais été capable de revendiquer : avoir tué des innocents, des civils, durant les opérations, comme on disait à l’époque.
J’ai senti que c’était ça, le crime. J’en suis sûr ! Ce n’est pas facile d’en être sûr à 100 %.  Mais j’en suis sûr. Si je me suis réveillé à cinq heures du matin pour écrire tout ça, c’est qu’il y a une raison valable. Parce que j’aurais préféré dormir tranquillement, la veille je m’étais levé à cinq heures du matin pour écrire un texte sur les Rom et couché très tard, à deux heures pour dessiner des oiseaux. Des oiseaux, des avions ? Pas si tendres que ça les oiseaux, ce sont des mouettes et si elles ont le vol élégant, elles sont, sur la mer, très violentes !  Sur la mer : aéro-naval ! Il n’y a pas de hasard à mes dessins, cette envie de dessiner des oiseaux de mer dont l’apparence est trompeuse : ils sont cruels.
Bien entendu, tout ça n’est pas venu simplement. La veille, avec ma fille, j’ai visionné un DVD qu’on m’a prêté. C’est parait-il celui d’une série télévisée. Une œuvre israélienne : In Traitement, En Analyse. Il y a un épisode avec Paul, le thérapeute et Alex le pilote d’un Fouga-Magister à la sauce 2012 qui a bombardé une madrasa (une école) pleine d’enfants durant la guerre du golf en Irak. Tous les bombardements tuent aveuglément et d’abord, les personnes les plus vulnérables incapables de se protéger. Le summum étant celui sur la ville d’Hiroshima. Mon père a fait ça. Evidemment, c’est un crime qu’il m’est et qui m’était impossible à endosser étant enfant.
Cet horrible rêve qui ressemble à un cauchemar mais que je me refuse à qualifier comme tel, cauchemar, parce que le mot me parait trop faible, ce rêve a éveillé ce qui m’était inconscient jusqu’à présent : mon père m’a tacitement refilé en héritage sa responsabilité face aux morts qu’il a faits en bombardant des Vietnamiens dans le cadre d’une guerre coloniale. Bien entendu, ce n’est pas lui qui appuyait sur le bouton, ils étaient plusieurs servants dans les gros avions qui survolaient les villes du Nord-Vietnam. Mais quand même ! Il savait bien ce qu’il engendrait : des morts et des morts, des civils, des familles, etc.
Que puis-je faire à présent de tout ça ? A part me rendormir !
Les avions étaient, je crois me souvenir des termes, des Bréguet-Atlantique, des Nord-Atlas, des Lancaster, des Neptunes, des hydravions Catalina, des Fouga-Magister, des Lockheed. Les bombardiers-torpilleurs partaient du porte-avions Dixmude basé à Toulon ! Là où son grand frère était mort. Ils faisaient des « sorties » ! Et les hélicoptères s’appelaient des Super-Frelons, des Alouettes ! La guerre est un jeu d’enfants, je m’en souviens encore, comme si j’étais né ! C’était en 1952-1953, avant ma naissance fin 1953, quand mon père m’a conçu, en retour d’une mission. Tout ce qu’il a réussi à me dire sur le Vietnam, c’est que les Vietnamiennes n’avaient pas de poil ! Avec le fait de décalotter mon zobi, ce fut ma seule éducation sexuelle. En la matière, je suis autodidacte !
Papa ensuite a très bien réussi sa carrière dans le nucléaire… militaire. Mais c’est une autre histoire !

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