Annie Ernaux – Retour à Yvetot – Domination et Radicalité.
J’aime bien Annie Ernaux, pas
énormément, mais bien. « La Place » et le reste, pas tout le reste.
Yvetot, j’aime bien aussi. Parce qu’il y a tante Gaby, aussi sagace que la plume
qui vole. Et parce qu’Yvetot possède un charme indéfinissable. C'est-à-dire n’a
aucun charme. C’est ce qui fait son attrait. Quand je pense à Annie Ernaux, je
pense une spirale, un enroulement ; sans doute parce qu’elle tenait un atelier d’écriture
à la maison des femmes de Cergy-Pontoise. La spirale d’une coquille de bulot.
Le Bulot, donc, écrit dans
Libé : « Depuis le début j’ai
été prise d’une tension ; d’un déchirement entre la langue littéraire et
la langue d’origine, de la maison de mes parents ». Cette tension fait
son charme littéraire. Elle poursuit : « la langue des dominés, celle dont j’ai eu honte ensuite ».
Je pense qu’il s’agit d’abord de
deux langues différentes et qui caractérisent le français : la langue
écrite et la langue parlée. La langue des dominés serait-elle la langue
parlée ?! Je pense que c’est plutôt la langue dominante. Les « dominés »
en la matière prennent le dessus. Pas toujours heureuse cette langue, mais si
expressive que même la bourgeoisie s’en est emparée. C’est la langue maternelle.
Je constate souvent cette
expressivité de la langue dans les échanges oraux entre Alcooliques Anonymes.
Les frustres prolétaires décomplexés s’expriment souvent beaucoup mieux et dans
une langue avec une richesse d’images incomparable que n’ont pas ceux qui,
complexés, recherchent en vain le bon terme, littéraire ou scientifique, pour
se dire, dire leurs maux, comme s’ils relisaient intérieurement des notes qu’ils
n’ont pas consignées.
Il n’est pas exclus qu’avec
quelques instructions, les frustres prolétaires écriraient aussi bien, si ce
n’est avec plus de talent que les écrivains actuels, rejetons de la bourgeoisie
ou imitateurs de la bourgeoisie quand ce n'est pas de la télévision. Car la langue appartient aux humains comme les
chaussures aux pieds : elle leurs sied. Les Westons ne sont pas forcément aussi
confortables que les Gâtines des paysans.
Dans un autre ordre, mais dans le
même fil, ce qu’on érige, sans trop réfléchir et par habitude de reproduction,
entre les matières dominants/dominés, je le vois aussi dans ce qu’on nomme
radicalité par opposition à la superficialité ou au conformisme. La radicalité
permet d’atteindre les choses dans leur essence. Certes. Mais en politique, par exemple, la
radicalité n’est pas une vertu en soi. Je pense à tous ceux qui ne votèrent pas
Hollande, donnant finalement des voix à la droite.
Rien n’est si déterminé qu’on ne le
pense, la domination supposée, la vertu de la radicalité. D’ailleurs, la
radicalité du pissenlit, faut voir où ça nous mène… Les vertus de la langue
écrite ne s’opposent pas forcément à la langue parlée, qui en a tout autant,
des vertus.
Celui qui comprend ce que je viens
d’écrire, pourra-t-il me l’expliquer ?!
Ouais, ça fume sec du ciboulot,
aujourd’hui !
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